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 I) Les drogues: de leur mode d'action à leur consommation:

 

 

On entend souvent dire que « la consommation problématique de substances est une ‘mauvaise habitude’ et résulte d’une faiblesse morale ou d’un manque de maîtrise de soi ». Dans le mécanisme ‘d’accroche’ à un produit la théorie d’Olievenstein identifie 3 protagonistes :

 

  • le produit : qui de par ses effets sur le circuit de récompense peut conduire dans un premier temps à un effet plaisant mais, selon l’usage qui en sera fait, peut conduire à une dépendance

  • le sujet : qui selon son âge, son envie de rechercher des expériences nouvelles notamment conditionnée par des facteurs génétiques (on parle d’individus HSS ou LSS pour High Sensation Seeker ou Low Sensation Seeker) va consommer ou non,

  • l’environnement: qui est constitué par les pairs, l’entourage, les modes du moment influencera ou pas la consommation.

 

1)Mécanisme d’action des drogues:

a) Le circuit de récompense:

 

Quels que soient les effets des drogues psychotropes, les recherches actuelles ont montré qu’elles possèdent en commun la propriété d’augmenter dans le cerveau la libération d’une molécule fabriquée par les neurones, la dopamine.

En fait, tous les produits qui possèdent cette propriété de faire libérer la dopamine, comme le tabac, l’alcool, l’ecstasy, le cannabis ou encore l’héroïne, peuvent entraîner une dépendance chez l’homme. L’intérêt de cette découverte vient de ce que la dopamine active chez l’homme un circuit appelé le « circuit de la récompense ».(5, 6)

 

Il s’agit d’un ensemble de structures cérébrales qui, comme un baromètre, nous indiquent à chaque instant dans quel état physique et psychique nous nous trouvons. Lorsque la quantité de dopamine augmente dans ces structures, quelle qu’en soit la raison, nous ressentons du plaisir et considérons que tout va bien, même si par ailleurs notre corps souffre ou que nous sommes déprimés.

 

Ainsi les drogues, par leur action biochimique, modifient la conscience que nous avons de notre environnement et de nous-mêmes. La prise répétée de drogues modifie à long terme la façon dont notre cerveau perçoit l’origine de ses satisfactions et perturbe notre recherche du plaisir.

 

 

Le plaisir procuré par la drogue provient de son interaction avec les neurones dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale qui se projettent au niveau de l'hypothalamus, de l'amygdale, du septum, du noyau accumbens et du cortex préfrontal. Il y a augmentation de la libération de dopamine dans toutes ces structures.

 

 

Figure 1 : Anatomie du circuit de récompense

 

Pour passer d'un neurone à un autre, l'influx nerveux

se transforme en messages chimiques qui prennent

la forme d'une substance sécrétée par le neurone,

le neuromédiateur, dans notre cas c’est la dopamine.

Celle-ci traverse l'espace situé entre deux neurones,

la synapse. C'est sur ces processus qu'agissent

la plupart des produits psychoactifs : au niveau de la

synapse entre le neurone dopaminergique et sa cellule cible.(2, 5, 6, 24)  

 

b) Classification des effets des drogues:

 

Il existe 3 types de classifications des substances psychoactives : (1) une classification sanitaire qui tient compte du pouvoir toxicomanogène c’est-à-dire tenant compte de la puissance du pouvoir de dépendance des produits, (2) une classification juridique qui tient compte du fait que la substance est licite c’est-à-dire légale mais généralement réglementée (avec un usage médical ou scientifique reconnu, c’est par exemple le cas des médicaments morphiniques stupéfiants) ou que la substance est illicite c’est-à-dire illégale et donc interdite, (3) une classification qui tient compte des effets sur le système nerveux central.

 

C’est cette dernière classification que nous allons décrire plus en détail.

 

Elle comporte 3 types d’effets principaux :

 

- les stimulants (tabac, cocaïne, amphétamines, ecstasy) : ils favorisent temporairement un état d’éveil et d’excitation et réduisent la fatigue. L’effet est généralement suivi d’un état d’épuisement et de dépression. Ces produits conduisent fréquemment à la dépendance psychique et peuvent induire des conséquences graves : paranoïa, dépression importante fatigue généralisée, également accidents par surestimation de ses capacités,

 

- les dépresseurs (benzodiazépines, héroïne, morphine…) : ils entraînent une sensation de détente ainsi qu’une perte d’inhibition, ils conduisent fréquemment à la dépendance et à des conséquences graves (arrêt cardio-respiratoire), également à des accidents par diminution de la vigilance et de contrôle de soi,

 

- les hallucinogènes ou perturbateurs (cannabis, LSD, kétamine…) : ils provoquent une perturbation de la perception de l’environnement et de la réalité avec majoritairement des modifications de la perception du temps et de l’espace et une sensibilité exacerbée aux couleurs et aux sons… A long terme, ils peuvent modifier durablement la personnalité du consommateur qui ne peut plus composer avec les éléments de la réalité. (5, 24)

 

 

2)Les modes de consommation des drogues:

 

La consommation de drogues renvoie à des modes d’usage très variés qui vont de l’unique expérimentation ou la prise ponctuelle à un usage plus habituel voire quotidien pouvant entraîner une dépendance. Ces différents comportements sont associés à des risques différents. En effet les risques sont liés à la manière dont la drogue est consommée (dose et fréquence). Trois grands types d’usage sont généralement définis allant de l’usage simple à l’usage abusif et la dépendance.(2, 12, 24)

 

a)L'usage simple:

 

Il est défini  comme une consommation de substances psychoactives n’entraînant  ni complication physique et/ou psychique, ni dommage en société. Les seules complications de l’usage simple des substances psychoactives sont d’ordre pénal (si elles sont illicites) ou social. L’usage simple ne nécessite pas de soins. Dans la grande majorité des cas, il n’entraîne  pas d’escalade.

Toutefois, cette consommation peut être à risques dans certaines circonstances, risques dus aux effets des produits sur la vigilance (attention à la conduite automobile par exemple), à une éventuelle surdose (risque d’intoxication massive)… C’est pourquoi  l’usage simple doit être considéré néanmoins comme  une  pratique à risques même s’il n’est pas pathologique.

 

b)L'abus :

 

L’usage abusif est considéré comme une utilisation excessive et volontaire, permanente ou intermittente, d’une ou plusieurs substances psychoactives, ayant des conséquences néfastes pour la santé physique ou psychique. Cet abus est caractérisé par une consommation répétée de substances psychoactives  susceptible d’induire des dommages pour la santé mais aussi  psychoaffectifs ou sociaux, soit pour le sujet lui-même, soit pour son environnement.

Si l’usage nocif ou l’abus de substances psychoactives  peut être  maîtrisé chez certains individus, il peut évoluer pour d’autres, vers une dépendance

 

c)La dépendance:

 

C’est un phénomène banal, que chacun  connaît inconsciemment et sans caractère déplaisant: nous sommes tous dépendants de l’air, de l’eau et de la nourriture. Il s’agit du plus caractéristique des trois comportements de consommation qui se définit par l’impossibilité de

s’abstenir de consommer un produit donné.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3)La consommation chiffrée des drogues : quoi et par qui ?

a)En Europe:(13)

 

Près d’un quart de la population adulte européenne, soit plus de 80 millions de personnes, auraient consommé une drogue illicite à un moment de leur vie.

Au cours de leur vie, la plupart auraient consommé du cannabis (73,6 millions), les estimations étant plus faibles pour la cocaïne (14,1 millions), les amphétamines (11,4 millions) et l’ecstasy (10,6 millions).

 

En Europe, l’enquête ESPAD (European School Survey Project on Alcohol And Other Drugs) est une source précieuse permettant de suivre au fil du temps les tendances de la consommation de drogue chez les élèves de 15 et 16 ans. D’après les données de 2011 (les plus récentes), un jeune de 15 à 16 ans sur quatre aurait déjà consommé une drogue illicite, mais les chiffres varient beaucoup selon le pays.

Le cannabis est de loin la drogue illicite la plus consommée chez ces jeunes : environ 24 % des jeunes ont déclaré en avoir pris au cours de leur vie. Les garçons étaient 1,5 fois plus nombreux que les filles à en avoir consommé dans le mois.

Une grande partie des élèves ayant déclaré avoir déjà consommé du cannabis ne l’ont fait qu’une fois ou deux. Pour une minorité cependant, la consommation est plus intensive et environ 2 % ont dit avoir touché à cette drogue plus de 10 fois au cours du mois précédant l’enquête. 

La prévalence de consommation de drogues illicites autres que le cannabis est bien plus faible, quoique dans quelques pays l’usage d’ecstasy et d’amphétamines occupe une place plus importante. L’enquête ESPAD rend également compte de la consommation d’alcool et de tabac. Ces deux produits sont davantage consommés par les jeunes scolarisés et les consommateurs de cannabis les consomment plus régulièrement

 

b)En France:(12, 17, 18, 19)

 

En France les données épidémiologiques concernant les drogues réellement consommées et leurs consommateurs sont données par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) qui a un rôle de surveillance et d’observation des problèmes nouveaux en matière de conduites addictives.

 

i)En population adulte:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les 2 tableaux ci-dessus indiquent la fréquence de consommation des différents produits psychoactifs selon l’âge dans la population adulte.  Quelle que soit la tranche d’âge étudiée, ce sont l’alcool, le tabac et le cannabis qui sont de loin les plus fréquemment expérimentés. Concernant les usages réguliers le cannabis arrive largement en tête chez les jeunes adultes (18-25 ans)

 

ii)Chez les jeunes de 17 ans:

 

Depuis 2000, l’OFDT interroge régulièrement les jeunes Français lors de la Journée défense et citoyenneté. Le questionnaire de cette Enquête sur la Santé et les Consommations lors de l'Appel de Préparation À la Défense (ESCAPAD) porte sur la santé des jeunes de 17 ans et sur leurs consommations de produits psychoactifs.

Les résultats cette enquête, combinés à ceux de l’enquête européenne, ont permis de connaître les niveaux de consommation des produits psychoactifs et leurs tendances de la 6ème à la terminale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si les usages de tabac et d’alcool sont élevés, alors que nous nous intéressons plus particulièrement aux drogues illicites, le fait le plus marquant est l’intensification de l’usage de cannabis durant les ‘années lycée’

La moitié des lycéens (49 %) précise avoir déjà fumé du cannabis, les garçons plus souvent que les filles (51 % contre 46 %). La consommation de cannabis connaît parmi les lycéens une diffusion comparable à celle du tabac, avec toutefois des niveaux moindres et un décalage dans le temps d’environ une année scolaire.

Le passage au lycée correspond à l’une des plus importantes phases d’initiation au cannabis. Les premières expérimentations sont observées dès la classe de 4ème (11 % des élèves), mais les niveaux progressent rapidement par la suite, avec un doublement des niveaux en 3ème puis de nouveau en 2nde (respectivement 24 % et 41 %). L’usage régulier de cannabis (plus de 10 fois au cours du mois) se développe particulièrement parmi les lycéens, 8 % d’entre eux ayant déclaré un tel usage.

Le niveau maximal est atteint en classe de 1ère (11 %), et le passage en terminale s’accompagne d’une inflexion avec une baisse de 3 points par rapport au niveau précédent. Comme pour l’alcool, l’usage régulier de cannabis au lycée s’avère nettement plus souvent masculin (12 % parmi les garçons, contre 5 % parmi les filles).

 

c)En Lorraine:(16)

i)Les grandes tendances:

 

Les conclusions de la coordination OFDT de Metz pour la région Lorraine en 2013 en matière de tendances des produits consommés sont les suivantes :

La région Lorraine pour l’alcool et le tabac ne se distingue pas des autres régions françaises.

Pour l’héroïne la consommation reste forte, les revendeurs s’étant adaptés à la réorganisation du marché (les contacts pour un approvisionnement se font par téléphone pour déjouer les forces de police plus nombreuses sur le terrain). La cocaïne reste très présente en Lorraine, notamment en milieu festif mais en quantité relativement limitée dans les soirées (on la désigne par des termes différents en fonction de sa qualité : écaille de poisson pour une qualité supposée bien supérieure en opposition à la ‘com’ de moins bonne qualité).

Concernant les drogues de synthèse : il y a bien une émergence de Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) avec une quinzaine de produits identifiés en 2013 en Lorraine mais il est difficile d’estimer l’importance quantitative du trafic ou de l’usage.

Enfin concernant le cannabis, que dire de plus que ce qui a déjà été dit ? Là encore il reste omniprésent dans tous les lieux et les consommateurs posent la question ‘Est-ce vraiment une drogue ?’… Pour le cannabis aussi on note des disparités locales en matière de qualité.

 

ii)Focus sur les consommations à 17 ans:

 

En ce qui concerne la consommation par les adolescents de 17 ans en Lorraine en 2011, les tableaux ci-dessous indiquent les niveaux de consommation par substance en comparaison des consommations au même âge au niveau national.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons vu qu’en dehors du mode d’actions du produit et du sujet, l’environnement influence aussi la consommation. Les chiffres ci-dessus montrent bien que  la première rencontre avec la drogue a souvent lieu vers l’âge de 15 ans. Le plus souvent la première prise de drogue se fait sous la forme d’un joint de cannabis. Cela correspond en plein à l’adolescence avec tout ce que cette période de transformation orchestrée par les hormones engendre : mal-être, problèmes familiaux et/ou scolaires, envie d’être autonome, d’appartenir un groupe, etc. Différentes explications possibles donc pour ces consommations de substances psychoactives : tout d’abord la curiosité, un instinct naturel qui pousse l’adolescent à vouloir tester un produit dont il aurait entendu parler des effets, ou encore un besoin d’appartenir à un groupe assez populaire de préférence, mais aussi des influences culturelles comme le reggae avec Bob Marley connu par les jeunes pour fumer du cannabis.(7)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La dépendance devient pathologique lorsqu’elle génère chez le sujet, une souffrance. La caractéristique essentielle de ce syndrome de dépendance consiste en un désir souvent puissant, parfois compulsif, de prendre une substance psychoactive. 

Elle se traduit donc par une recherche compulsive de la substance, contre la raison et la volonté, afin de retrouver les sensations agréables qu’elle est capable de donner, provoquant ainsi du plaisir et évitant un mal-être. 

Elle est due à un dysfonctionnement neurobiologique des systèmes dopaminergiques. La privation du produit utilisé entraîne une sensation de malaise, d’angoisse pouvant aller jusqu’à la dépression. 

La dépendance à un produit est toujours la conséquence d’un abus, en quantité et/ou en durée, mais à l’inverse on peut abuser d’une substance sans pour autant y être dépendant.

Fig 3 : Activité dopaminergique et dépendance

Tableau 1 : Expérimentation de substances psychoactives suivant l’âge et le sexe parmi les personnes de 18 à 64 ans (en %)

Source : Baromètre santé 2010, INPES, exploitation OFDT

Tableau 2 : Consommations régulières d’alcool et de cannabis et quotidiennes de tabac suivant l’âge et le sexe parmi les personnes âgées de 18 à 64 ans (en %)

Source : Baromètre santé 2010, INPES, exploitation OFDT

Figure 4 : Usages des principaux produits psychoactifs parmi les collégiens en 2010 et les lycéens en 2011 selon le niveau scolaire (%)

Source : HSBS 2010, exploitation OFDT, ESPAD 2011 « années lycée », OFDT-INSERM

Figure 2 : Schéma d'une synapse

Tableau 3 : Consommation déclarée de cannabis par les adolescents de 17 ans en Lorraine en 2011 (%)

Source : enquête ESCAPAD 2011 et 2008, OFDT

Tableau 4 : Consommation déclarée d’autres produits psychoactifs illicites par les adolescents de 17 ans en Lorraine en 2011 (%)

Source : enquête ESCAPAD 2011, OFDT

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